Kinésithérapie
Préparation physique

REDs en CrossFit et Hyrox : Comprendre et prévenir la Déficience Énergétique Relative dans le sport (REDs)

REDs en CrossFit et Hyrox : Comprendre et prévenir la Déficience Énergétique Relative dans le sport


Introduction


Dans les disciplines exigeantes comme le CrossFit et l’Hyrox, la performance repose sur un entraînement intensif, une nutrition adaptée et une récupération optimale. Pourtant, de nombreux athlètes sous-estiment l’impact d’un déséquilibre énergétique prolongé. Cette situation peut conduire au REDs (Relative Energy Deficiency in Sport), un syndrome affectant la santé physique, mentale et la performance.


Qu’est-ce que le REDs ?

Le REDs résulte d’un déséquilibre entre l’apport énergétique (alimentation) et la dépense liée à l’entraînement, entraînant une disponibilité énergétique insuffisante pour subvenir aux besoins de base du corps (Loucks et al., 2011). Cela perturbe les fonctions physiologiques essentielles : métabolisme, santé osseuse, fonctions hormonales, immunité et santé cardiovasculaire (Mountjoy et al., 2014).



Pourquoi les pratiquants de CrossFit et d’Hyrox sont à risque ?


Volume d’entraînement élevé

Ces disciplines impliquent plusieurs séances hebdomadaires et parfois plusieurs entraînement par jour, laissant peu de temps à la récupération. Lors de ces entraînements la dépense énergétique peut être très élevée et n’est pas toujours comblée par le repas suivant la séance ou au cours de la journée. Si cela se reproduit de manière chronique, un déficit énergétique relatif est créé et peut causer des troubles sur le moyen et long terme.


Objectif esthétique ou de catégorie de poids

Certains athlètes restreignent leur apport calorique pour améliorer leur physique, rentrer dans une catégorie de poids pour des compétitions d'haltérophilie ou être plus léger afin d’améliorer leur rapport poids/puissance. A très court terme cela ne présente pas toujours de risque. Mais si cela dure dans le temps alors l’athlète encours un risque pour sa santé.


Manque de connaissance en nutrition sportive

Une mauvaise estimation des besoins énergétiques ou un régime mal équilibré (trop peu de glucide ou de lipide) peut entraîner une carence chronique en énergie et en macro nutriment essentielle pour le bon fonctionnement hormonal.


Incidence des REDs

L’incidence exacte des REDs reste difficile à estimer, car il est souvent sous-diagnostiqué. Chez les sportives d’endurance, on estime qu’environ 20 à 60 % présentent une disponibilité énergétique insuffisante (Melin et al., 2015). Le phénomène touche également les hommes, bien que leurs symptômes soient moins facilement identifiables (Tenforde et al., 2016).


Symptômes du REDs chez l’athlète

Chez les femmes :

  • Aménorrhée fonctionnelle (perte de règles)

  • Baisse des œstrogènes

  • Ostéopénie/ostéoporose

  • Fatigue, baisse de performance


Chez les hommes :

  • Diminution de la testostérone

  • Baisse de libido

  • Perte de masse musculaire

  • Fatigue chronique, baisse de performance


Symptômes communs :

  • Troubles du sommeil

  • Blessures à répétition

  • Troubles digestifs

  • Irritabilité, anxiété, dépression

  • Fractures de fatigue dues à une baisse de densité minérale osseuse (Tenforde et al., 2016 ; Nattiv et al., 2007)


Conséquences physiologiques


REDs affecte :

  • L’axe hormonal HPG (hypothalamo-hypophyso-gonadique) : baisse des œstrogènes/testostérone

  • La densité osseuse : ostéopénie et ostéoporose, augmentant ainsi lerisque de fractures (y compris fractures de stress)

  • L’immunité : infections plus fréquentes

  • La récupération : mauvaise adaptation à l'entraînement


Comment évaluer et diagnostiquer le REDs ?


Signes d’alerte :

  • Baisse de performance sans explication

  • Changements dans le cycle menstruel ou baisse de libido

  • Poids corporel bas ou perte de poids involontaire

  • Bilan sanguin perturbé (triiodothyronine T3, leptine, testostérone, œstradiol…)


Outils cliniques :

  • Questionnaire LEAF-Q (pour les femmes)

  • Test de densité osseuse (DXA)

  • Suivi des apports et dépenses énergétiques

(Melin et al., 2015 ; De Souza et al., 2014)



Traitements recommandés par la littérature


Recommandation actuelles :

  • Augmentation des apports énergétiques : viser un aport calorique supérieur à 45 kcal/kg de masse maigre par jour pour restaurer les fonctions physiologiques et éviter les effets délétères du LEA (Low Energy Availability) (Loucks et al., 2011).

  • Réduction temporaire de l’entraînement pour permettre la récupération métabolique.

  • Accompagnement pluridisciplinaire : nutritionniste, kinésithérapeute, médecin du sport, psychologue si nécessaire.

  • Suivi hormonal et densité osseuse régulier.

Le seuil critique à ne pas franchir pour éviter un LEA est de 30 kcal/kg de masse maigre par jour. Ce niveau est associé à des troubles hormonaux, une altération de la santé osseuse, et une baisse de la performance, autant chez les femmes que chez les hommes (Loucks et al., 2011).


Non recommandés :

  • Contraceptifs oraux comme solution unique pour restaurer les menstruations (masque le problème sans le résoudre)

  • Supplémentation non ciblée sans évaluation préalable

  • Repos prolongé sans correction de l’apport énergétique

(Mountjoy et al., 2018 ; Nattiv et al., 2007 ; De Souza et al., 2014 ; Loucks et al., 2011)



Cas spécifiques au CrossFit et Hyrox


  • Besoin élevé en glucides pour soutenir les efforts répétés de haute intensité

Le CrossFit et le Hyrox impliquent des efforts intenses et prolongés avec des exercices de haute intensité associé souvent à un haut volume d’entraînement hebdomadaire. Pour soutenir ces efforts, les athlètes ont un besoin élevé en glucides, qui sont la principale source d'énergie utilisée lors d'activités de haute intensité.

La consommation de glucides avant, pendant et après l'entraînement est un bon moyen de maintenir les réserves de glycogène musculaire et éviter la fatigue prématurée (Areta & Hopkins, 2018).


  • Importance de l’apport post-effort pour limiter la catabolisation

Après un entraînement intense, il est important de consommer des nutriments pour favoriser la récupération musculaire et limiter le catabolisme. L’apport en glucides et protéines post-effort permet de stimuler la synthèse des protéines musculaires et de restaurer les réserves de glycogène (Slater & Phillips, 2011).


  • Attention au jeûne intermittent ou aux régimes low-carb mal contrôlés

Le jeûne intermittent et les régimes low-carb sont populaires pour contrôler le poids ou améliorer la composition corporelle, mais ils doivent être utilisés avec précaution dans des sports comme le CrossFit et le Hyrox. Ces régimes peuvent entraîner une baisse de la disponibilité énergétique (apport calorique) entrainant un risque accru de déficience énergétique, surtout lorsque l’intensité et la volume de l’entraînement est élevée. Les athlètes doivent s'assurer que leurs apports en glucides soient suffisants pour répondre aux exigences de ces sports intenses.

(Slater & Phillips, 2011 ; Areta & Hopkins, 2018)


Le rôle du kinésithérapeute dans la prise en charge des REDs


Le kinésithérapeute joue un rôle clé dans la détection et l'accompagnement des athlètes souffrant de REDs :

  • Identification précoce des signes cliniques : fatigue, blessures à répétition, baisse de performance, aménorrhée, etc.

  • Éducation du patient sur les besoins énergétiques en lien avec l'entraînement et les risques liés à une faible disponibilité énergétique.

  • Collaboration pluridisciplinaire avec médecins, diététiciens, psychologues pour une prise en charge globale.

  • Adaptation des charges d’entraînement et suivi de la récupération.

  • Prévention des blessures liées au REDs, notamment les fractures de fatigue et tendinopathies chroniques.

  • Mise en place de programmes de renforcement adaptés, reconnus comme bénéfiques dans la prise en charge conservatrice du REDs (Blagrove et al., 2024).

Cependant, des études récentes montrent une méconnaissance persistante du REDs parmi les professionnels de santé, y compris les kinésithérapeutes, ce qui souligne l’importance d’une formation spécifique (Gillbanks et al., 2021 ; Verhoef et al., 2024).


Conclusion

Le REDs est une menace silencieuse pour les athlètes de CrossFit et Hyrox. Détecter précocement les signes, adapter l’alimentation, et intégrer une prise en charge globale est essentiel pour préserver la santé et maximiser la performance. Il ne faut pas hésiter à consulter un professionnel de santé qualifié si tu présentes des symptômes de REDs.




Références


Areta, J. L., & Hopkins, W. G. (2018). Skeletal muscle protein synthesis in response to nutrition and exercise. Nutrition & Metabolism, 15, 3.

Blagrove, R. C., Brownlee, T. E., & Hackney, A. C. (2024). Resistance training as a tool for improving bone health and muscular function in athletes with RED-S. International Journal of Sports Physiology and Performance.

De Souza, M. J., Nattiv, A., Joy, E., Misra, M., Williams, N. I., Mallinson, R. J., ... & Matheson, G. (2014). 2014 Female Athlete Triad Coalition Consensus Statement on Treatment and Return to Play. British Journal of Sports Medicine, 48(4), 289.

Gillbanks, K., Mountjoy, M., & Stellingwerff, T. (2021). Relative Energy Deficiency in Sport (RED-S): a scoping review of knowledge among sports medicine practitioners. British Journal of Sports Medicine.

Grabia, M., Markiewicz-Żukowska, R., & Socha, K. (2024). Nutritional aspects in the prevention and treatment of RED-S. Nutrients, 16(2), 287.

Loucks, A. B., Kiens, B., & Wright, H. H. (2011). Energy availability in athletes. Journal of Sports Sciences, 29(sup1), S7–S15.

Melin, A., Tornberg, Å. B., Skouby, S., Møller, S. S., Sundgot-Borgen, J., Faber, J., ... & Sjödin, A. (2015). Energy availability and the female athlete triad in elite endurance athletes. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 25(5), 610–622.

Mountjoy, M., Sundgot-Borgen, J., Burke, L., Ackerman, K. E., Blauwet, C., Constantini, N., ... & Ljungqvist, A. (2018). IOC consensus statement on relative energy deficiency in sport (RED-S): 2018 update. British Journal of Sports Medicine, 52(11), 687–697.

Mountjoy, M., Sundgot-Borgen, J., Burke, L. M., Carter, S., Constantini, N., Lebrun, C., ... & Ljungqvist, A. (2014). The IOC consensus statement: beyond the Female Athlete Triad—Relative Energy Deficiency in Sport (RED-S). British Journal of Sports Medicine, 48(7), 491–497.

Nattiv, A., Loucks, A. B., Manore, M. M., Sanborn, C. F., Sundgot-Borgen, J., & Warren, M. P. (2007). The Female Athlete Triad. Medicine & Science in Sports & Exercise, 39(10), 1867–1882.

Slater, G., & Phillips, S. M. (2011). Nutrition guidelines for strength sports: sprinting, weightlifting, throwing events, and bodybuilding. Journal of Sports Sciences, 29(sup1), S67–S77.

Tenforde, A. S., Barrack, M. T., Nattiv, A., & Fredericson, M. (2016). Parallels with the Female Athlete Triad in Male Athletes. Sports Medicine, 46(2), 171–182.

Verhoef, S. P. M., Brown, K. N., & Mountjoy, M. (2024). Gaps in RED-S knowledge and management among health professionals. British Journal of Sports Medicine.