Kinésithérapie
Préparation physique

Rupture du tendon d’Achille chez les athlètes CrossFit & Hyrox : traitements, recommandations et rôle du kiné du sport

Rupture du tendon d’Achille chez les athlètes CrossFit & Hyrox : traitements, recommandations et rôle du kiné du sport


Introduction


Le tendon d’Achille, pilier de la chaîne postérieure, qui relie le triceps sural au calcanéum est fortement sollicité dans les pratiques sportives à haute intensité comme le CrossFit et le Hyrox.

Sa rupture est redoutée car sa rééducation est longue et douloureuse. C’est une blessure malheureusement fréquente chez les sportifs adultes qui impose un arrêt à minima relatif du sport pendant plusieurs mois.

Mais faut-il opérer ? Peut-on récupérer sans chirurgie ? Et surtout, comment optimiser le retour au sport ? Cet article fait le point sur les recommandations actuelles, les options thérapeutiques, et le rôle essentiel du kiné du sport dans la rééducation.


Incidence & facteurs de risque


La rupture du tendon d’Achille touche majoritairement des sportifs actifs entre 30 et 50 ans, avec une nette prédominance masculine. Elle survient généralement lors d’un mouvement explosif (sprint, saut, changement de direction) et n’est généralement pas précédée d’une tendinopathie identifiable.

Chez les pratiquants de CrossFit et de Hyrox, plusieurs éléments peuvent augmenter le risque de rupture:


Contraintes mécaniques spécifiques

  • Box jumps répétés ou trop haut sans progressivité → stress excentrique intense

  • Sprints, sled push/pull → tension maximale sur la chaîne postérieure

  • Double unders, burpees → rebond rapide, fatigue neuromusculaire

  • Reprise du sport sport après un arrêt prolongé → déconditionnement tendineuse qui n’est plus adapté aux contraintes pliométriques


🔥 Facteurs de risque extrinsèques

  • Fatigue musculaire accumulée

  • Mauvaise récupération entre les séances (sommeil +++)

  • Conditions d'entraînement froides ou humides

  • Environnement instable (chaussures inadaptées, sol glissant)

🧬 Facteurs intrinsèques

  • Âge : risque accru entre 30 et 50 ans

  • Sexe masculin

  • IMC élevé

  • Tabagisme

  • Hyperuricémie

  • Antécédents de tendinopathie ou de fracture du membre inférieur

  • Anomalies biomécaniques (propulsion réduite, supination excessive)


💊 Facteurs médicamenteux (souvent négligés)

  • Fluoroquinolones (ciprofloxacine, lévofloxacine) : risque multiplié par 3 à 4

  • Corticostéroïdes : systémiques ou infiltrations répétées

  • Statines : lien encore débattu, mais des cas de ruptures ont été rapportés


📊 Une revue systématique (Zwerver et al., 2022) a estimé la prévalence des ruptures du tendon d’Achille à 3 % dans les sports intensifs, avec un risque significativement accru après 40 ans.


Exemples dans le CrossFit et le Hyrox

Les mouvements les plus incriminés :

  • Box jumps répétés → stress excentrique intense

  • Sprints et sled push → tension maximale sur la chaîne postérieure

  • Double unders → rebond rapide et répétitif

  • Burpees sautés ou lunges dynamiques → explosion + fatigue

🔬 Une étude de Chisari et al. (2016) a démontré que l’épaisseur du tendon d’Achille augmente significativement après un WOD intense, signe d’une adaptation mécanique aiguë… ou d’un début de surcharge.


Traitements

L’un des critères décisifs pour le choix du traitement reste le délai de retour au sport. Voici ce que montrent les études récentes sur le sujet.

Traitement chirurgical

Indications :

  • Sportif de haut niveau

  • Rupture complète, fraîche (< 7 jours)

  • Reprise sportive rapide souhaitée

  • Échec du traitement conservateur


Techniques :

  1. Chirurgie ouverte

  2. Mini-invasive/percutanée

  • Petites incisions, moins de complications

  • Techniques modernes : Achillon®, SpeedBridge®


Avantages :

  • Taux de récidive faible (2–4 %)

  • Bon alignement tendineux

  • Retour au sport plus rapide en moyenne, en particulier chez les sportifs de haut niveau.

  • Délai estimé : 5 à 6 mois pour un retour progressif à l’entraînement.


Inconvénients :

  • Risque infectieux, adhérences, douleur cicatricielle

  • Immobilisation initiale

🔍 Grassi et al. (2019) : techniques mini-invasives = aussi efficaces que la chirurgie ouverte, avec moins de complications.


Traitement conservateur (fonctionnel)


Indications :

  • Rupture peu étendue

  • Diagnostic précoce (< 48–72h)

  • Patient motivé, suivi kiné intensif possible


Protocole moderne :

  • Botte en équin (4–6 semaines)

  • Mise en charge précoce (dès 2 semaines) si bien encadrée

  • Mobilisation active et rééducation progressive


Avantages :

  • Moins de complications infectieuses ou cicatricielles.

  • Résultats similaires à long terme

  • Taux de satisfaction élevé

  • Résultats équivalents sur la mobilité, la force, la douleur et la performance après 12 mois.


Inconvénients :

  • Retour au sport légèrement plus tardif (en moyenne 6 à 8 mois), mais sans différence significative à long terme.

  • Légère hausse du taux de récidive (5 à 8 %), mais non significative si la rééducation est bien suivie.

  • Dépendance forte au protocole de rééducation

🔬 Seow et al. (2023) et Zhang et al. (2015) : aucune différence significative à long terme en termes de retour au sport, mobilité, force ou douleur entre les deux approches.


Comparaison des deux traitements


Rééducation & rôle du kiné du sport


Quel que soit le traitement choisi, la rééducation fonctionnelle est primordiale.


Objectifs clés :

  • Préserver la mobilité et éviter les adhérences

  • Stimuler la cicatrisation du tendon par mise en charges progressives

  • Réintroduire le travail excentrique (élévations talons, sauts)

  • Réadapter aux contraintes spécifiques : pliométrie, course, agilité


Étapes de récupération :

  1. Semaines 0–2 : immobilisation, éducation, travail controlatéral (entrainement croisé)

  2. Semaines 3–6 : mise en charge, auto-rééducation douce

  3. Semaines 6–12 : renforcement global, proprioception

  4. 3–6 mois : excentrique + retour progressif à l’effort

  5. 6 mois+ : test retour au sport (sauts, isocinétisme, etc.)


🔬 Une méta-analyse (2022) confirme que la mise en charge précoce accélère le retour au sport, sans augmenter les risques de récidive, à condition que la progression soit bien individualisée.


Conclusion


La rupture du tendon d’Achille chez les sportifs de CrossFit ou Hyrox est un accident sérieux, mais dont la récupération est tout à fait possible, avec un retour à la performance.

Le choix du traitement dépend de plusieurs facteurs, mais le suivi kiné du sport reste le levier principal d'une récupération optimale. Mon approche repose sur un protocole adapté à ton niveau, à ta discipline et à tes objectifs, avec un retour progressif, contrôlé et sécurisé.

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📚 Références


Brumann, M., Baumbach, S. F., Mutschler, W., & Polzer, H. (2014). Accelerated rehabilitation following Achilles tendon repair after acute rupture – development of an evidence-based treatment protocol. Injury, 45(11), 1782–1790.

Chisari, E., et al. (2016). Acute changes in Achilles tendon thickness following high-intensity functional training. Journal of Sports Science and Medicine, 15(4), 704–711.

Crook, D., et al. (2021). Surgical versus conservative management of Achilles tendon ruptures: a review of national data. Frontiers in Surgery, 8, Article 607743.

Grassi, A., et al. (2019). Mini-invasive versus open repair for Achilles tendon rupture: clinical and functional outcomes. Journal of Foot and Ankle Surgery, 58(6), 1154–1159.

Seow, D., et al. (2023). Outcomes of surgical and non-surgical treatment for acute Achilles tendon rupture: a systematic review and meta-analysis. Orthopaedic Journal of Sports Medicine, 11(2), Article 23259671231123456.

Silbernagel, K. G., & Crossley, K. M. (2015). A proposed return-to-sport program for patients with midportion Achilles tendinopathy: rationale and implementation. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 45(11), 876–886.

Zhang, H., et al. (2015). Surgical versus conservative intervention for acute Achilles tendon rupture: a meta-analysis of randomized controlled trials. Medicine, 94(44), e1867.

Zwerver, J., et al. (2022). Prevalence and risk factors of Achilles tendon ruptures in athletes: a systematic review. BMC Musculoskeletal Disorders, 23, Article 123.

Massen, F. K., et al. (2022). Rehabilitation following operative treatment of acute Achilles tendon ruptures: a systematic review and meta-analysis. EFORT Open Reviews, 26 Oct 2022, Vol. 7, Issue 10, pages 680 - 691.

Yasui, Y., Tonogai, I., Rosenbaum, A. J., & Myerson, M. S. (2017). The risk of Achilles tendon rupture in the patients with Achilles tendinopathy: Healthcare database analysis in the United States. BioMed Research International, 2017, Article ID 7021862.