Kinésithérapie
Préparation physique

Tendinopathie d’Achille chez les athlètes de CrossFit et Hyrox : comprendre, prévenir, rééduquer

Tendinopathie d’Achille chez les athlètes de CrossFit et Hyrox : comprendre, prévenir, rééduquer


Introduction


En CrossFit et en Hyrox, les membres inférieurs sont très sollicités : volume élevé de sauts (box jumps, double unders), course à haute intensité, haltérophilie, sprint, fentes, sled push/pull… autant de mouvements qui sollicitent intensément les tendons. Résultat : les douleurs tendineuses sont fréquentes, en particulier au niveau du tendon d’Achille. Cette pathologie peut devenir limitante, parfois chronique, si elle n’est pas correctement prise en charge.


Incidence chez les pratiquants de CrossFit et Hyrox


Les tendinopathies d’Achille représentent environ 6 à 9 % des blessures en course à pied (Van Ginckel et al., 2009) et une proportion significative des douleurs rapportées dans les disciplines à fort impact. Bien que les études sur l’incidence spécifique en CrossFit et Hyrox soient encore limitées, les conditions sont réunies : efforts pliométriques, variations brutales de charge, fatigue musculaire, course sur surface dure (Hyrox), etc. Une étude menée par Weisenthal et al. en 2014 a identifiée le tendon d’Achille comme un site fréquent de douleur chez les crossfitteurs expérimentés, notamment lors des phases de préparation ou de compétition.


Physiopathologie : comprendre le tendon


Le tendon d’Achille relie les muscles du mollet (triceps sural) au calcanéum (gros os du talon). Il doit résister à des tensions allant jusqu’à 7 à 12 fois le poids du corps lors des impacts (Komi, 1990). Sa structure est composée de collagène de type I, bien organisé, capable d’absorber des contraintes élevées.

Une tendinopathie correspond à une désorganisation progressive de cette structure : perte d’alignement des fibres, néovascularisation, altérations biochimiques locales (augmentation des métalloprotéinases, cytokines inflammatoires). Contrairement à une déchirure, il ne s’agit pas d’une blessure aiguë, mais d’une réponse d’adaptation incomplète ou inappropriée à une surcharge répétée.


Facteurs de risque spécifiques au CrossFit et Hyrox


Facteurs biomécaniques et environnementaux :

  • Changements soudains de volume ou d’intensité

  • Sur-sollicitation des mouvements pliométriques (double unders, box jumps)

  • Courses longues et intense sur surface dure (Hyrox)

  • Chaussures inadaptées ou drop trop faible sans progressivité

  • Mobilité limitée de la cheville ou raideur du triceps sural


Facteurs intrinsèques :

  • Faiblesse du triceps sural (surtout soléaire)

  • Mauvaise récupération (sommeil, nutrition, stress)

  • Antécédents de tendinopathie

  • Manque de contrôle neuromusculaire (instabilité, asymétrie)


Délai de cicatrisation et temps de récupération

La cicatrisation tendineuse est lente. Contrairement au muscle, le tendon a une vascularisation réduite, ce qui limite sa capacité de régénération :

  • Phase initiale (réduction de la douleur) : 4 à 6 semaines

  • Phase de restructuration tissulaire : jusqu’à 12 semaines

  • Remodelage complet et retour à une architecture quasi normale : 6 mois à 1 an selon les cas (Magnusson et al., 2010 ; Scott et al., 2020)

Un retour au sport prématuré augmente le risque de rechute. La progression doit être guidée par la tolérance à la charge et non uniquement par l’absence de douleur au repos.


Suivi kiné et rééducation : quelles approches efficaces ?


La prise en charge repose sur un principe de progression contrôlée de la charge, avec une attention particulière à l’individualisation.


1. Isométrie

  • Soulage la douleur rapidement (Rio et al., 2015) : 45 secondes à intensité élevée, plusieurs séries/jour

  • Série plus courte et plus intense (overcoming isométrie) : remettre des contraintes de force à différents amplitude


2. Renforcement en Heavy Slow Resistance (HSR)

  • Renforcement lourd à vitesse lente (tempo 3131), 2 à 3 fois/semaine

  • Recommandé pour stimuler la synthèse de collagène et restructurer le tendon (Beyer et al., 2015)

  • Progression des charges et du volume selon tolérance : augmentation de la charge et diminution du nombre de répétions au fil des semaines


3. Intégration fonctionnelle et plyométrique progressive

  • Réintégrer progressivement des mouvements sollicitant fortement le tendon, d’abord à faible vitesse puis progressivement vers plus de vitesse et d’amplitude

  • Bondissements, sauts, course progressive

Ex de progression pour l'Hyrox :

  • Maintenir les mouvement non douloureux (ski, rameur, sled ??) en adaptant si besoin la charge

  • Reprise progressive de la course en alternance de course marche (ex : 5 à 10 x {1’ course / 1’ marche}). Augmenter progressivement la durée de course et diminuer le temps de marche sur PLUSIEURS SEMAINES

  • Privilégier la fréquence au volume

  • S’assurer qu’il n’y ait pas d’augmentation de la douleur pendant, après et le lendemain de la séance.


4. Travail de la technique et gestion de la charge

  • Se faire coacher ou se filmer pour s’assurer de la bonne exécution technique

  • Revoir la répartition de la charge d’entrainement et s’assurer d’avoir une récupération optimale = s’entrainer à hauteur de ce que l’on peut assimiler !!


Quelques mythes à éviter

  • ❌ Le repos strict : il entretient la fragilité tendineuse, ne permet pas au tendon de s’adapter aux contraintes de la discipline.

  • ❌ Les étirements passifs intenses : souvent douloureux, peu efficaces, contre productif s’il s’agit d’une tendinopathie au nivceu de l’insertion du tendon sur l’os (enthésopathie).

  • ❌ Le glaçage systématique : non recommandé en dehors du contexte inflammatoire aigü

  • ✅ Le mouvement et la surcharge progressive sont la clé !

Conclusion

La tendinopathie d’Achille est une pathologie fréquente, notamment dans des sports à impact comme le CrossFit et le Hyrox. Elle ne signifie pas qu’il faille arrêter de s’entrainer, à condition de mettre en place un suivi structuré et progressif. L’objectif : diminuer la douleur, restaurer la fonction, et revenir plus fort.e.

Vous êtes concerné par des douleurs au tendon d’Achille ?

Au Kab du Sport proposons un suivi kiné à distance individualisé, avec bilan complet, programme de rééducation sur mesure, reprise progressive encadrée et adaptation de votre programmation pour continuer à s’entrainer malgré la blessure. Où que vous soyez, bénéficiez d’un accompagnement expert pour soigner votre tendon sans arrêter de progresser en CrossFit et Hyrox.


Références

  • Beyer, R. et al. (2015). Heavy slow resistance versus eccentric training as treatment for Achilles tendinopathy. Am J Sports Med, 43(7), 1704-1711.

  • Komi, P. V. (1990). Relevance of in vivo force measurements to human biomechanics. Journal of Biomechanics, 23, 23–34.

  • Magnusson, S. P., Langberg, H., & Kjaer, M. (2010). The pathogenesis of tendinopathy. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 20(1), 1–10.

  • Rio, E. et al. (2015). Isometric exercise induces analgesia and reduces inhibition in patellar tendinopathy. British Journal of Sports Medicine, 49(19), 1277–1283.

  • Scott, A. et al. (2020). Tenocyte responses to mechanical loading in tendinopathy. British Journal of Sports Medicine, 54(5), 261–267.

  • Van Ginckel, A. et al. (2009). Intrinsic gait-related risk factors for Achilles tendinopathy in novice runners: a prospective study. Gait & Posture, 29(3), 387–391.

  • Weisenthal, B. M. et al. (2014). Injury rate and patterns among CrossFit athletes. Orthopaedic Journal of Sports Medicine, 2(4), 2325967114531177.